Clémence et Alison : trois histoires

Voici le résultat de cette année de labeur, couronnée par le premier et les deux deuxième prix ex aequo du concours de l'Écho des collines pour les écrivains en herbe !
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dessin par l'auteur pour la couverture de son histoireClémence est devenue trop âgée, maintenant pour s’occuper, seule, de sa maison. C’est Prisca, une jeune femme, employée par la Mairie, qui passe tous les jours lui donner un coup de main : nettoyer, faire la lessive et même parfois, cuisiner. Prisca est dynamique et enjouée. Clémence et Prisca s’entendent bien. Elles ont toujours une histoire drôle à se raconter et Prisca adore écouter Clémence chanter.

« Alors Clémence, si tu chantes, c’est que tout va bien aujourd’hui !
- Jusqu’à ce qu’il pleuve ! lui répondait immanquablement, la vieille dame.
- Ne dis pas de bêtises, tu chantes toujours très très bien.
- Tu ne m’as pas connue lorsque j’étais plus jeune. Ma voix portait à l’autre bout de la rue ! 
- Et bien, c’est ton mari qui devait t’entendre quand tu n’étais pas contente !»
Et les deux femmes se mettaient à rire.

Clémence a chuté dans l’escalier, un soir. Elle passa la nuit, allongée sur les marches, seule. Prisca la découvrit inanimée, le lendemain matin. « Clémence, Clémence, réponds-moi ! »
Clémence n’ouvrit les yeux qu’à l’hôpital.
« Ne vous inquiétez pas, madame, elle n’a qu’une fracture à son bras droit. Ce sera long à se ressouder mais ce n’est pas bien grave ! dit un médecin à Prisca. Nous allons la garder quelques jours pour faire des examens complémentaires, puis elle pourra rentrer chez elle. »
- Merci. Surtout, prenez bien soin d’elle. Elle est tellement adorable. Je passerai ce soir. Vous lui direz ? »

dessin par l'auteur de clémenceClémence passa trois jours à l’hôpital. Prisca venait la voir, dès qu’elle était libérée de son travail
« Tu verras Clémence, j’ai tout nettoyé chez toi. Ca brille à piquer les yeux ! Que penses-tu d’installer ta chambre en bas ? Cela t’évitera de prendre cet escalier.
- Je ne sais pas, Prisca. Tu es bien gentille avec moi, à t’inquiéter, mais tu vois, je me suis rendue compte que j’étais bien seule chez moi. J’ai eu beau appeler pendant toute cette longue nuit où j’étais allongée par terre, personne n’est venue. »

Les examens médicaux ne révélèrent aucun trouble particulier. Mis à part son bras dans le plâtre, Clémence était en pleine forme. Aussi retourna t-elle chez elle.
« Ecoute, Clémence, lui dit Prisca, j’ai à te parler de quelque chose »
Les deux femmes s’assirent sur les fauteuils du salon.
« Tu n’es pas obligée d’accepter.
- De quoi s’agit–il, parle donc ! s’écria Clémence.
- J’ai réfléchi à ce que tu disais à propos de te sentir seule chez toi. Et si tu allais dans une maison pour personnes âgées. Tu sais, il y en a une, ici, et elle est très bien. Regarde, j’ai pris les papiers à remplir et il y a de la place pour toi. Là-bas, on s’occupera bien de toi et tu ne te sentiras plus seule, tu vois »
Des larmes perlèrent dans les yeux de Clémence.
« Tu veux que je quitte ma maison ?
- Non, je ne veux pas cela, Clémence, mais peut être que ce serait plus raisonnable, que.. »
Prisca n’eut pas le temps de finir sa phrase. D’un bond, Clémence s’était levée. De l’eau coulait sur ses joues.
« Tu ne m’as pas comprise, Prisca, et j’en suis très triste. Je ne veux pas qu’on s’occupe de moi. Je sais me débrouiller toute seule. Je l’ai toujours fait dans la vie et je le ferai jusqu’à la fin.
dessin par l'auteur de la maison de clémenceTu vois, ici, c’est chez moi. Ce sont tous mes souvenirs et si tu es venue ici et que nous nous sommes bien entendues, c’est parce que je t’appréciais beaucoup et que je pensais, avec toutes nos conversations que tu m’avais comprise et que tu aimais tout cela de moi. Je n’ai pas accepté ton aide pour ton aide mais parce que c’était toi.
Clémence sanglotait.
- Mais, Clémence… dit Prisca, en pleurant, elle aussi. Je ne voulais pas te blesser.
- C’est fait ! Le mieux maintenant est que tu me laisses tranquille. Ne reviens plus ici. »

Prisca quitta la maison de Clémence et rentra, en larmes, chez elle.
« Mais que t’arrive t-il, Maman ? demanda Alison à sa mère.
- Je viens de me disputer avec Clémence.» Et Prisca raconta ce qui venait de se passer.

Plusieurs jours passèrent. Alison, voyant sa mère toujours aussi triste, se décida à aller chez Clémence.
«  Bonjour, je suis Alison, la fille de Clémence.
- Oui, je t’ai reconnue. Qu’as-tu à me dire ? Entre donc.
- Ma mère est désespérée. Elle ne cesse de pleurer. Elle a l’air si malheureuse. Je connais la raison de sa tristesse et c’est pourquoi je viens vous voir.
- Moi aussi, je suis triste, tu sais. Ta mère me manque beaucoup. C’est tellement bête, parfois, la vie. Nous nous entendions bien et puis voilà : un accident, une discussion qui tourne mal et nous voilà toutes les deux bien malheureuses.
- Je crois que j’ai une idée, mais je n’en ai pas encore parlé à ma mère. Je voulais connaître votre avis.
- Oui ? demanda Clémence en fronçant les sourcils. Tu ne vas me parler, toi aussi, de cette maison pour personnes âgées ?
- Non, non, pas du tout, au contraire ! Je vous propose de venir habiter chez vous.
- Comment ça ?
- Si vous le voulez, vous me prêtez une chambre et je m’installe ici. La journée, vous ne me verrez pas : je serai au collège. Je rentrerai chez moi à midi, mais le soir, je pourrai venir ici et y dormir. Comme ça, vous ne serez plus seule, la nuit. Si vous avez des soucis, je pourrai vous aider.
- C’est très gentil à toi, Alison, et c’est certain que, pour moi, c’est une bonne idée mais je ne voudrais pas t’ennuyer, toi et ta famille.

- On peut toujours essayer. Si vous êtes d’accord, j’en parle à Maman.
- Dis lui de revenir, tu veux bien ? J’ai été injuste de la mettre dehors et je m’en veux terriblement. Revenez ensemble et nous parlerons de ton idée. »

dessin par l'auteur d'alisonPrisca n’en crut pas ses oreilles en écoutant Alison lui raconter ce qu’elle venait de faire et l’idée qu’elle avait eue. Elle se leva et embrassa sa fille de toutes ses forces.
« Tu es un ange ! lui dit-elle. Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse d’avoir une fille comme toi »

Lorsqu’elles se retrouvèrent, Prisca et Clémence s’étreignirent.
«  Je m’en veux de ce que j’ai fait, dit Clémence
- C’est moi qui suis désolée, lui répondit Prisca
- Tu as une fille formidable tu sais ?
- Oui, c’est vrai. Alors que penses-tu de son idée ? »

Alison installa quelques unes de ses affaires dans une chambre de la maison. La vie reprit son cours : Clémence retrouvait Prisca, le matin, et Alison, le soir. Toutes s’entendirent à merveille. Clémence intéressa très vite Alison au chant si bien que souvent, elles passaient la soirée à chanter les airs que Clémence connaissaient.

FIN



Epilogue


Depuis longtemps, Clémence voulait retourner au Maroc, son pays natal. Elle l'avait quitté dans des circonstances difficiles et n'avait jamais eu le courage d'y retourner. Elle proposa donc à Alison de l'accompagner. "Tu verras, c'est un très beau pays. Je te montrerai où j'ai vécu quand j'étais enfant."
Cette découverte enchanta tellement Alison que, durant quelques années, elles y retournaient faire un séjour, au moment des vacances de prin temps.
"Je mourrai là où je suis née" disait, quelquefois, Clémence à Alison.
Clémence s'éteignit, un soir du mois d'avril. Les rayons du soleil couchant marocain teintèrent, pour toujours, son visage d'une lumière d'or.

Yassine